Cette guerre serait la nôtre
Cette guerre
serait la nôtre, évidemment, parce que tout abandon ressemblerait
trop à ce que nous exécrons : le munichisme aux relents
de caleçons humides, la lâcheté du pétaino-pacifisme,
les fleuves tranquilles d'une France indolente, charriant des chiens
crevés au fil d'une eau nauséabonde. Ceux qui marmonnent
aujourd 'hui «mieux vaut Saddam que la guerre» ne sont que
les rejetons de ceux qui clamaient hier «mieux vaut être
rouge que mort» et pensaient avant hier «mieux vaut Hitler
que Blum» ; c'est la sempiternelle théorie des couards
qui préfèrent le confort des sujétions aux périls
de la liberté; la moiteur des geôles au grand air de la
guérilla. On me dit que le Koweit était un artefact, son régime une décadence insolente et insouciante. C'est possible. Mais la liste serait longue des pays qu'il serait alors légitime d'annexer, un coup d'oeil à l'atlas suffira pour s'en convaincre. Nous-mêmes, Français, mériterions-nous alors notre indépendance ? La morale en politique est décidément à géométrie variable; tenons-nous en à quelques principes irrécusables : la conviction contre l'abandon, l'intérêt général contre les profits de quelques-uns, le combat contre l'armistice, l'esprit de défense contre l'esprit de désespérance. En bref, la Résistance contre la Collaboration. Cette guerre
serait la nôtre: si elle a lieu, peut-être irons-nous mourir
pour Koweit-City, et ce ne sera pas de gaîté de coeur (le
Koweit ne sera certes pas notre Espagne ). Disons-le tout net : l'honneur
d'une civilisation pèse plus que la vie de ses enfants, car une
civilisation sans honneur condamne ses enfants plus sûrement encore.
La paix n'est belle qu'immaculée. Le plus sûr moyen de
la préserver reste de préparer la guerre : c'est d'oublier
ce précepte, qu'ils avaient pourtant forgé, que périrent
les Grecs. C'est de le négliger que les Koweitiens se sont mis
à mal. C'est de le répudier que nous bafouerions
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