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Faites vite, Monsieur le Président !

La communauté des éditeurs multimédias français peut se féliciter de la décision du président de la République d'aligner le taux de TVA applicable aux ouvrages multimédias sur ceux des ouvrages imprimés ; c'était en effet une revendication ancienne, et tout à fait logique compte tenu de la réelle proximité entre les deux supports.

Pourquoi, par exemple, les fables de la Fontaine couteraient-elles 15,1 % de plus couchées sur polycarbonate que sur papier vélin ?

Mais chacun sait qu'il y a parfois des distances bien longues entre une décision politique et son application effective, surtout lorsqu'elle est d'ordre fiscal...

Quand cette baisse entrera-t-elle dans les faits, et qu'en restera-t-il concrètement, s'il en reste quelque chose, lorsque que l'on sait qu'elle devra passer sous les trois fourches caudines des services de Bercy, du Parlement français, et surtout de la commission européenne, qui a depuis longtemps fait part de sa réserve sur ce dossier ?

Or, il y a urgence. Il ne s'agit pas seulement de dynamiser la vente de titres multimédias, qui est loin de connaître, à de rares exceptions près, l'ampleur pronostiquée par certains. Il s'agit aussi d'éviter que les effets pervers d'une décision pertinente dans son principe ne mettent à mal une profession déjà étouffée par des coûts de production croissants et par l'exiguité du marché hexagonal.

En effet, après l'annonce présidentielle, l'utilisateur de CD-ROM multimédias est désormais en droit d'attendre que le prix moyen de ses prochaines acquisitions baisse significativement, d'environ 15 %, ce qui n'est pas rien sur des produits d'une valeur moyenne de 300 francs. Et si cette baisse n'est pas immédiate, son comportement rationnel sera en toute logique de différer ses achats.

Pour l'éditeur, l'alternative sera simple : maintenir ses prix et voir ses ventes chuter, ou bien anticiper la baisse et absorber la différence sur ses -faibles- marges, comme il l'a déjà très largement fait lors de l'augmentation de TVA de l'été 1995. Etonnant paradoxe !

A ce jeu-là, les perdants sont tout désignés : les petits éditeurs indépendants, impuissants à tenir tête aux circuits de distribution, et pour lesquels l'échec commercial d'un titre est souvent synonyme de condamnation à mort. Les gagnants eux aussi sont connus : les distributeurs, plus prompts à répercuter bruyamment toute baisse de prix qu'à en prendre une partie à leur charge, les grands groupes, qui n'ont pas d'obligation de rentabilité immédiate, et les éditeurs anglo-saxons, qui ont déjà amorti leurs titres sur d'autres marchés et peuvent de ce fait s'employer sans risques à des politiques commerciales audacieuses.

Pour que votre décision ne soit pas un service rendu à votre récent visiteur Bill Gates, faites vite, monsieur le Président !

 

Arnaud LACAZE-MASMONTEIL, dirigeant d'InfoTronique, société d'édition multimédia

 

Paris, le 11 mars 1997