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JE ME SOUVIENS...


Je me souviens du soir où j'ai enfin lu, à la lueur d'une lampe torche, mon
nom sur la liste des "Admis à s'inscrire en Année Préparatoire".

Je me souviens des toilettes garçons de l'AP, où quelqu'un avait graffité :
"AP ! Un tiers d'entre vous échoueront !". Je me souviens d'avoir écrit
moi-même "solidarité avec la lutte légitime et populaire du Timor
Oriental". Je venais à peine d'apprendre où se trouvait le Timor Oriental.

Je me souviens d'avoir voté dans la Péniche sur la loi Devaquet alors
qu'elle avait été retirée deux heures avant.

Je me souviens de Sylvie, serveuse dans un café accueillant de la rue de
Sèvres qui a fait banqueroute depuis.

Je me souviens d'avoir passé des nuits blanches à percer les secrets du
modèle IS-LM. Par contre, je ne me souviens pas du modèle IS-LM.

Je me souviens du flipper du Basile.

Je me souviens des conférences hebdomadaires d'Alfred Grosser le jeudi
soir, et du jour où Alain Lancelot est venu y annoncer la chute du mur de
Berlin.

Je me souviens du jour où j'ai croisé pour la première fois Raymond Barre
en chair et en os, dans un couloir, et d'en avoir conçu une étrange
jubilation.

Je me souviens des samedis après-midi à Arcueil : ce n'est pas un bon
souvenir.

Je me souviens de l'ascenceur Roux-Combaluzier, de son bouton de
bakelite, de la façon étrange d'y entrer à reculons, et de la tête des essouflés
qui n'avaient pas osé le prendre, et qu'on pouvait admirer par la fenêtre.

Je me souviens du jardin au moment des révisions, je me souviens des
jeunes filles timides qui n'osaient s'asseoir sur les bancs, de peur de
montrer leurs jambes.

Je me souviens d'amis qui voulaient faire l'ENA.

Je me souviens du soir où j'ai enfin lu, à la lueur d'une lampe torche, mon
nom sur la liste des "Ont obtenu le diplôme".

Arnaud LACAZE-MASMONTEIL
Diplômé PES 1990

 

Paris, 1995